Meltemi n’est pas une communauté au sens où l’on s’y attendait. Elle fut créée dans les années 50 par des ouvriers de différentes compagnies de pétrole souhaitant passer des vacances ensembles, un bord de plage leur fut remis par la municipalité et elle fut soutenue financièrement par les dirigeants des compagnies. Néanmoins, le projet évolua rapidement suite à plusieurs révoltes et grèves dans le milieu ouvrier et les sources de financement furent tout de suite coupées. Décidant de continuer à se regrouper, les habitants de Meltemi mirent en place leur propre constitution basée sur la volonté commune de vivre ensemble, préserver l’environnement et entretenir des liens autour d’activités visant à maintenir l’esprit de la communauté. Aujourd’hui, nous avons compris que Meltemi est reconnue en terme administratif comme une coopérative. Le lieu et l’histoire insolite de la communauté, pour avoir perduré dans le temps et préservé ses valeurs initiales, nous paraissait être une halte intéressante sur notre chemin.

Marilena, journaliste curieuse et chargée de communication à Meltemi a gentiment répondu à notre demande et nous a chaleureusement accueillis dans sa petite maison le temps d’une nuit. Andrew, son compagnon, et elle habitent à Athènes mais viennent tout les week-ends et vacances dans la communauté.

Andrew donne des cours d’anglais mais surtout consacre son temps à développer son concept de green roof, ou toit végétal, en Grèce, en Israël et même à Meltemi ! Suivant le lieu, il allie plusieurs plantes pouvant s’entretenir mutuellement et continuer de vivre sans besoin de la main humaine. Les toits refleurissent chaque saison et permettent aussi une véritable isolation contre la chaleur. La base de la communauté est un peu le terreau qui permet aux plantes de grandir et d’évoluer suivant le temps et les années. Ainsi, à Meltemi, différentes mouvances ont vu le jour au travers des différentes générations. Marilena a récemment organisé une petite exposition ouverte ou cabinet de curiosité regroupant divers objets utilisés aux prémices de la communauté, lorsque tout le monde n’avait qu’une tente, un bidon d’eau en métal et que l’on utilisait des frigos à bloc de glace. Comme un retour dans le temps, les habitants, aujourd’hui détachés de ce mode de vie, ont pu changer de regard sur ce qu’est devenu Meltemi ou se remémorer ces années passées. Ce qui est intéressant, c’est que la conscience environnementale n’est pas, malgré son appui dans la constitution, une préoccupation phare des habitants. Pourtant puisque la communauté existe toujours et a su préserver le lieu au fil du temps, cette conscience est présente d’une certaine manière et continue d’évoluer aujourd’hui.

L’année dernière, Andrew a lancé un projet de jardin botanique et avec l’aide d’enfants de Meltemi, ils ont plantés des herbes aromatiques à la disposition de tout le monde. De nombreuses activités (la plupart organisées par Marilena !) permettent à chacun de trouver son intérêt, de s’investir dans ce qui lui semble intéressant. Deux générations en arrière des habitants bricolaient une voiture avec des déchets recyclés, aujourd’hui on apprend aux enfants à faire de l’art avec des bouteilles plastique. Il y a aussi plusieurs initiatives comme une collecte pour des réfugiés, des jeux intergénérationnels ou encore une initiation à la fabrication de crème aux plantes.

Marilena ne cesse d’inventer de nouvelles formes d’activités qui puissent convenir à tous. Pendant plusieurs années elle a même créé un journal propre à la communauté afin d’informer des nouvelles ou faire passer des messages de la vie quotidienne à Meltemi. Sans vraiment le savoir elle met le doigt sur un des principes fondamentaux des règles de vie communautaire qui est le lien social et amène en même temps des questions sur les différentes façons de préserver ce précieux fil rouge.

Elle-même nous l’explique, au cours de ces années passées qu’il n’a pas toujours été facile de faire résonner la constitution au sein du groupe, de maintenir la démocratie directe et le système d’assemblées constituées de membres de la communauté (élus pour deux ans). Meltemi est un petit état en soi avec ses histoires de pouvoir comme tout groupe se posant des questions d’autogestion. Certains se sont révoltés pour construire de plus grandes maisons (la petite taille de chaque habitat fait partit de la constitution), d’autres ont agrandi le sol au béton ou d’autres encore ont rajouté des pièces annexes, ce qui n’a pas rendu le combat facile pour l’assemblée. Selon Andrew, le fait que chacun ait droit à son habitat privé (et paye à la communauté un « loyer ») permet de conserver sa liberté et ainsi une durabilité possible dans le temps. Chacun se sent libre de participer à ce qu’il souhaite ou de créer des événements. Concernant l’énergie, un système de tableau de bord informatisé permet de réguler les demandes des habitats. Chaque habitant doit gérer sa consommation et faire attention au temps d’utilisation.

Marilena et Andrew prennent le temps de discuter avec nous, répondant attentivement à tous nos doutes et questions. Nous nous baladons entre les maisons aux formes et couleurs un peu différentes mais dans l’ensemble respectant la taille de base. Elles se fondent entre les arbres, laissant seulement apparaître les chemins de terre sinueux laissés ainsi depuis les débuts de la communauté. En hiver tout est calme mais Marilena nous assure qu’avec le soleil et la chaleur, tout le monde est dehors. Meltemi devient alors une véritable fourmilière de vie. Nous escaladons la tour de guet pour prévenir de possibles feux pendant l’été. La vue nous fait comprendre le combat mené aux origines, celui de maintenir l’authenticité du site, dans les lois et avec la municipalité, afin de pouvoir continuer d’évoluer dans le temps tout en préservant la nature qui entoure cette magnifique côte. Il n’y a qu’a regarder autour, tout a été construit, de grandes routes droites bétonnées séparent les quartiers et résidences d’été. Qu’en sera t-il dans quelques années ?

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Marilena nous avoue être un peu fatiguée de toute l’énergie qu’elle essaye d’insuffler pour maintenir les liens. Ils demandent autant d’attention que la nature pour les préserver des aléas du temps. Il y a quelques années, après une tempête ravageuse , les habitants ont nettoyés la côte des arbres cassés et reconstruis leur maisons ensembles. Ce faisant ils préservent leur environnement mais aussi les liens qui les relient entre eux dans cet environnement.

Nous discutons toute la soirée dans la petite maisonnée autour d’un délicieux repas cuisiné par Marilena et repartons au petit matin sur la route. Meltemi nous aura surpris pour de nombreuses raisons et nous aura mis face à de nouveaux enjeux dans notre quête aux alternatives, aux possibilités de vivre ensemble dans un même écosystème social et environnemental.

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